« L’innovation sociale peut faire émerger de nouveaux modèles de pensée et de collaboration »
L’Institut du nouveau monde se fixe pour mission de changer les gens pour en faire de très bons citoyens qui participent pleinement à la vie démocratique…
Ce n’est pas tant du changement que d’une prise de conscience dont il est question. Je pense par là au pouvoir que confère la citoyenneté et à la force qu’elle donne à un groupe qui agit dans le même sens, en faisant entendre une seule et même voix.
Quel rôle particulier doit jouer l’entrepreneuriat social dans la sensibilisation et la prise de conscience des citoyens?
L’entrepreneuriat social et les efforts consentis par les entrepreneurs permettent d’avoir un impact sur la communauté. Ils tentent d’apporter une solution adaptée à une problématique sociale plus ou moins complexe. Par leurs actions, ils tentent d’améliorer le quotidien d’une communauté, d’une société.
Quels sont les obstacles que rencontrent les acteurs de l’innovation sociale aujourd’hui au Québec?
Je pense qu’il est important d’accompagner et d’informer les jeunes entrepreneurs. Nous le constatons dans le cadre du projet À go, on change le monde! qui est intégré à l’INM. Beaucoup de personnes qui ont envie de faire partie de la communauté des innovateurs sociaux et de changer les choses n’ont pas forcément toujours l’information nécessaire pour se doter d’outils leur permettant de développer un projet qui aura un retentissement social. Les outils existent, mais il y a une formation à opérer et une information à diffuser. Selon moi, l’un des défis majeurs réside dans la capacité des entrepreneurs sociaux à se regrouper pour former une communauté forte qui soit en mesure d’attirer le regard des pouvoirs publics et des investisseurs. Il est important que les entrepreneurs sociaux aient les moyens de leurs ambitions, qu’ils puissent compter sur le soutien financier de bailleurs de fonds partageant leurs valeurs et leurs visions. Pour pallier l’absence d’un soutien financier adapté, les entrepreneurs sociaux peuvent partager leur espace de travail, leurs outils de communication, de marketing, d’administration, de production.
En quoi les technologies numériques peuvent aider à faire face à ces défis que vous venez de décrire?
Les technologies numériques permettent de s’affranchir des frontières géographiques et d’avoir accès à un réseau planétaire. Il y a énormément d’initiatives sociales au Canada, en Afrique et ailleurs dans le monde. On a la possibilité de faire des passerelles et de monter des projets communs ou de faire des transferts de projets d’une place à l’autre. Internet étant présent dans la plupart des pays, on peut facilement répondre à une problématique sociale en faisant appel à l’intelligence collective, en mobilisant notre communauté, en recevant le soutien financier d’une communauté mondiale partageant nos valeurs.
Comment l’innovation peut contrebalancer la domination de la société par le marché et les entreprises?
On ne va pas pouvoir contrer cette réalité du jour au lendemain. On va devoir faire avec ce que le capitalisme a bâti pour faire émerger un nouveau modèle plus orienté vers le social. Il y a comme un capitalisme social qui est en train d’émerger, qui, au lieu d’utiliser les biens, s’appuie sur les personnes en créant un faux sentiment d’appartenance. Si l’on prend l’exemple de l’économie collaborative, on constate que certaines entreprises ont recours au « share washing » en référence au « green washing » qui a vu les grands groupes se passionner d’écologie et de protection des forêts. Ça c’est un risque que tout l’espoir qu’il y a dans l’innovation sociale soit happé et récupéré par les milieux déjà en place dans le capitalisme. Comment est-ce que l’innovation sociale peut contrebalancer? Elle peut faire émerger de nouveaux modèles de pensée, de collaboration, etc. Par exemple, l’approche physique de l’entreprise peut être amenée à évoluer et à faire oublier une conception figée selon laquelle « à lieu unique, service unique ». On voit dans les espaces de travail partagés un lieu unique certes, mais avec un foisonnement d’idées, d’initiatives à saveur sociale. Je constate que l’innovation sociale arrive déjà à contrebalancer le capitalisme. Elle est en train de s’ancrer fortement dans la société. C’est un mouvement qui est en marche.
Qu’est-ce que les pouvoirs publics peuvent faire davantage pour aider le secteur de l’innovation sociale?
Les pouvoirs publics se doivent d’encourager et de soutenir l’innovation sociale. Il est important qu’ils prennent conscience de l’impact des entreprises sociales dans le développement de solutions concrètes et adaptées à des problématiques sociales complexes. Tant qu’il n’y a pas de lien de confiance établi, on ne pourra pas démontrer tous les bienfaits de l’entrepreneuriat social.
Propos recueillis par S. Keita