S’inspirer de la Pédagogie Freinet pour transformer l’éducation de ce siècle
Monsieur Marc Audet, est un enseignant-chercheur à la retraite qui cumule 35 ans d’experience en Enseignement. Il fait partie des initiateurs de la pédagogie Freinet au Québec en 1982. Il a eu l’amabilité de répondre à nos questions sur cette approche pédagogique.
– En quoi est-la pédagogie Freinet différente de la pédagogie de Montessori ?
Pour Montessori, ce que j’en retiens, hormis son ouverture sur les gens, sa philosophie humaniste, c’est que les idées généreuses de Maria Montessori l’ont conduit à organiser une approche qui est devenue une méthode, que ses adeptes appliquent en « suivant la recette ». En pédagogie Freinet, la personnalité de chaque enseignant est beaucoup plus sollicitée. Il y a autant de pédagogie Freinet qu’il y a d’enseignants qui la pratiquent. Nous nous rejoignons tous sur les principes qui nous guident, et sur les valeurs qui sont les nôtres, mais chacun a sa couleur, ses forces et c’est à partir de ça qu’on organise notre travail quotidien. Nos classes se ressemblent toutes, mais elles sont aussi toutes différentes. Si on retrouve partout des outils classiques qui ont fait leurs preuves et conséquemment résistent au temps, chacun crée aussi ses propres outils, ses techniques qui correspondent aux réponses qu’il trouve aux questions qui se posent dans sa classe.
Comme la pédagogie Freinet s’attache à rendre l’enfant propriétaire de ses actes, de ses apprentissages, elle est en quelque sorte une pédagogie de libération. Un enfant ne met pas longtemps avant de s’impliquer dans la vie scolaire qu’on lui propose, dans la mesure où on lui fait une place de véritable acteur de son développement. Notre approche coopérative nous permet à nous de mettre en oeuvre une approche relativement facilement, puisqu’on bénéficie de l’expérience des collègues, et aux enfants de bénéficier du support des autres du groupe pour multiplier les possibilités en partageant toutes les stratégies d’apprentissages. En pédagogie Freinet les enfants ne sont pas en compétition et donc des individus face aux autres (ou contre les autres!); toutes les forces individuelles sont mises en commun et donnent accès pour chacun à des stratégies qu’il n’aurait pu connaître sans cette coopération.
Vous dites qu’il y’a autant de pédagogie Freinet que d’enseignants qui la pratiquent. Mais y a-t-il une formation de base que suivent les enseignants sur la pédagogie, avant que chacun ne la personnalise? Comment s’assurer que l’enseignant a les pré-requis nécessaires pour utiliser la pédagogie?
La formation à la pédagogie Freinet n’a jamais fait l’objet de cours ni d’autres structures officielles (universitaires ou autres). C’est plutôt une sorte d’entreprise coopérative. Des mouvements existent pour ça, en fait. Des enseignants qui veulent s’y mettre rejoignent ces mouvements et côtoient des expérimentés qui les soutiennent de leurs conseils. Si la plupart tâtonne, on s’y met doucement en implantant des outils ou des techniques qui ont fait leurs preuves, on observe les résultats de ces essais, on en parle avec les autres, on ajuste tranquillement, puis on les ajuste en rapport avec notre propre situation et surtout avec nos talents personnels. C’est pourquoi je dis que chacun construit peu à peu « sa pédagogie Freinet »: elle est pédagogie Freinet mais aussi et autant sa propre pédagogie. Nous sommes tous « enlignés » sur les mêmes valeurs, les mêmes croyances; ce sont des principes communs, en quoi nous nous ressemblons et où on reconnaît l’appartenance à la famille pédagogique. Mais chacun y met aussi sa couleur. Voilà pourquoi chaque classe Freinet est reconnaissable, mais aussi originale.
Les pré-requis en fait, c’est de reconnaître en ce qu’affirme la Pédagogie Freinet ses propres croyances. Il n’y a donc que l’enseignant lui-même qui peut dire s’il est Freinet ou pas. Nous sommes cependant à même de constater ou non que telle personne est bien en lignée sur la pédagogie Freinet si on peut voir dans son action qu’il donne la parole aux enfants, s’il les implique dans les décisions qui les concernent, s’il favorise la coopération, s’il part vraiment de ce qu’ils sont pour favoriser leurs apprentissages, s’il fait une place à leurs intérêts…
– Est-elle facile à mettre en pratique, surtout quand l’enfant a débuté dans le système scolaire classique?
C’est plus difficile pour un enfant de retourner à une approche pédagogique traditionnelle que de s’intégrer à l’approche pédagogique de Freinet, parce que ça freine généralement toutes les motivations qu’il avait découvertes; Il a souvent l’impression de régresser.
– En tant que (futur) parent, doit-on avoir des compétences particulières pour accompagner son enfant?
Des compétences de parents? Les mêmes que les nôtres : aimer les enfants, avoir à coeur leur développement, être ouvert à les laisser expérimenter réellement, leur donner du pouvoir sur leur vie…
– Quelles sont les avantages et les limites de cette méthode?
Quant aux avantages et aux limites, là, je serai très peu objectif! Pour moi, il n’y a pas de limites, que des avantages!
Je serais bien mal venu autrement, puisque j’ai choisi cette pédagogie; c’est bien parce que je la crois supérieure à toutes les autres approches pédagogiques.
Ressources :
Pour en savoir plus sur la pédagogie Freinet:
le Site de L’Institut Cooperative de L’École Moderne (ICEM): http://www.icem-pedagogie-freinet.org/la-pedagogie-freinet
Le site de la Bibliothèque québécoise de pédagogie Freinet: