Le 26 Décembre 2016, j’ai passé un séjour de trois semaines au Cameroun en Afrique Centrale pour lancer un projet qui nous tient à coeur depuis plus de 15 mois.
En effet après avoir organisé plusieurs conférences et ateliers au sujet de l’impact positif de la technologie et de l’innovation sociale, suite à de nombreuses rencontres où nous avons pu bénéficier des conseils précieux des acteurs de l’économie sociale à Montréal; enrichie des nombreux enseignements et de l’expertise de nombreux conférenciers évoluant dans des domaines variés:
- Créativité
- Santé
- éducation
- Analyse des données
- Animation de communauté sociales et créatives
- Technologie comme outil d’engagement citoyen
- Agriculture
- Financement
- etc
Nous avions l’ambition de proposer une solution concrète à cet ère qualifiée de Post-Croissance.
Notre ambition
En effet mes amis et moi nous sommes arrivés à la même conclusion que l’un des conférenciers que nous avons invité en 2013 à l’occasion d’une de nos conférences à Montréal. Jon Gosier, dans une intervention retentissante à l’université Concordia nous avait indiqué que
La technologie est le langage du futur
Selon lui on ne peut concevoir le monde actuel et le monde de demain sans recours à la technologie.
En 2014 à l’occasion de la semaine TI et Innovation Sociale que nous avons organisé avec d’autres acteurs locaux et internationaux nous avons appris à travers le modèle KIVA ou encore grâce à Peter Chasse que :
Notre rôle en tant qu’acteur de changement n’est pas de changer le monde. Mais de donner les moyens aux autres de changer le monde.
C’est ainsi que frustré de ne pouvoir avoir un impact concret dans notre environnement bien que nous croyons à la force et au mécanisme des idées, nous avons initié un projet pilote de lancement d’un village écologique en innovation ouverte. La ville ou plutôt le village intelligent se veut un espace d’innovation permanent, basé sur les fondements de l’économie collaborative où tous les bénéfices de la technologie facilite non pas l’enrichissement financier de la communauté mais plutôt le bien commun. Notre séjour au Cameroun marquait donc la cristallisation de cette reflexion de 15 mois et la matérialisation des conclusions des travaux initiés à Montréal en Juin dernier.
Bien comprendre la post-croissance
Nous n’avons pas le temps ici de détailler la post-croissance. Pour cela nous recommandons l’excellent documentaire de marie-Monique Robin : Sacrée Croissance.
Mais prenons une anecdote pour mieux comprendre de quoi il s’agit: il est difficile pour les êtres humains d’acheter le bonheur. Le bonheur ne s’achète pas il ne peut donc être la résultante d’un effort valorisé par une monnaie. Or, la majorité des économies du monde fédèrent les habitants sur des notions complexes pour le commun des mortels que sont par exemple le PIB ou encore la croissance économique. Il est plus facile dans une petite communauté villageoise d’être heureux par les bonnes relations que l’on entretien avec ses pairs et en évitant l’hyper-consommation que dans de se concentrer à faire progresser la « richesse financière » des individus.
Le courant de la post-croissance invite donc à une reflexion sur notre mode de vie dans une société où les ressources seront rares et limitées et certains pays devront composer avec la dépendance à la dette.
La croissance folle d’internet en Afrique
Il n’est plus nécessaire de parler de l’Afrique dans son ensemble car les pays Africains sont très hétérogènes en général. La mosaïque culturelle, économique et sociale se vérifie aussi lorsqu’on parle des technologies.
La Pénétration d’internet à l’échelle du continent Africain
En effet la pénétration d’Internet dans les pays Africains n’est pas homogène comme le montre ces chiffres de l’IUT (graphiques ci-dessous) ; bien que partout on perçoit une soif pour la jeunesse d’accéder à son tour à cette grande famille numérique mondiale. Des pays comme Seychelles, le Maroc ou encore l’Afrique du Sud occupe le sommet du classement. Le Cameroun est au milieu du classement
Les chiffres de l’internet mobile
De plus il est préférable d’apprécier la pénétration d’internet en Afrique en évaluant le nombre d’abonnement à l’internet mobile pour 100 habitants car le mobile est le support le plus populaire.
Si on prend le cas du Cameroun en particulier, on peut ainsi observer le grand écart entre le nombre de personnes qui se sont connectés au moins une fois à internet en 2015 au Cameroun soit près de 20% de la population (je soupçonne ici le poids des grands villes Douala et Yaoundé et leur plus de 4M d’habitants) et le nombre d’abonnements à l’internet mobile pour 100 habitants (4.1% au Cameroun). Ce gap est pour moi l’opportunité à saisir.
En somme, au Cameroun, comme les autres Etats africains les chiffres sont affolants et l’opportunité est claire:
- La Population du Cameroun est estimée à 24M
- Le taux de pénétration d’internet au Cameroun en Juin 2016 était de 20.7% (+ de 4M de personnes. Il faut noter que c’était 20K abonnés à Internet en 2000)
- Le taux de pénétration du mobile selon les dernières statistiques est de : 72%
- Les utilisateurs de Facebook compte pour 8.6% de la population environ
Partout dans le pays on observe un changement progressif des usages dans le domaine bancaire, de la santé, les jeux vidéos, le transfert de fichiers, Le divertissement dans le transport, l’industrie de l’animation, le commerce électronique, etc
Les enjeux au niveau de l’alimentation mondiale
Avant de parler de l’agriculture au niveau du Cameroun il faut rappeler les enjeux de l’alimentation au niveau global. Selon la FAO :
- La production alimentaire devra augmenter de 70% d’ici à 2050
- 805 millions de personnes sont sous-alimentées dans le monde
- 1.5 milliard d’hectares sont cultivés, tandis que 3.4 milliards sont dédiés aux pâturages
- L’agriculture et l’élevage émettaient 5.3 milliards de tonnes d’équivalent C02, en 2011, soit 14% de plus qu’en 2001. 39% de ces émissions proviennent de la fermentation entérique c’est-à-dire du méthane issu de la digestion des ruminants
Autant dire que « si l’on voulait extrapoler le modèle de consommation occidental au monde entier, il nous faudrait trois planètes agricoles… Jean-Louis Rastoin
Il faut donc repenser le système alimentaire mondial. Les experts et des agriculteurs célèbres tel que le Québecois Jean-Martin Fortier proposent un système alimentaire territorialisé, constitué d’entreprises agroalimentaires de petite et moyenne dimension, géographiquement proches d’exploitation agricoles de type familial.
L’agriculture poumon de l’économie Camerounaise
Le Cameroun est situé en Afrique centrale au fond du Golfe de Guinée, le Cameroun couvre une superficie de 475 650 km2 avec une ouverture maritime de l’ordre de 402 Km sur la côte Atlantique. Le climat est tropical et sec au Nord, équatorial et humide au Sud. Interrompant un relief dominé par les plaines et les plateaux, des manifestations volcaniques ont donné naissance à quelques massifs élevés dont le Mont Cameroun, encore actif qui, culminant à 4095 m, constitue l’un des massifs les plus hauts d’Afrique. Le réseau hydrographique est abondant.
Le pays s’étend en latitude sur 1200 km, des rives sahéliennes du Tchad au nord, au bord du bassin du Congo au sud). L’ensemble constitue cinq zones biogéographiques distinctes (zone soudano – sahélienne, hautes savanes guinéennes, hauts plateaux de l’Ouest, forêt humide à pluviométrie monomodale et forêt humide à pluviométrie bimodale). Le pays dispose d’un espace naturel varié, d’un potentiel hydroélectrique considérable et d’un sous-sol qui regorge d’importantes ressources minières. Le pays est ainsi considéré comme l’Afrique en miniature (carte page IV). Il en résulte une diversité de ressources naturelles et d’atouts (section 1.2.4)
Les Jeunes et les femmes
L’agriculture familiale produit 80% des aliments qui sont consommés dans les pays en développement…la production alimentaire résulte de 60% à 80% du travail des femmes dans les pays en développement. Hélène Jolette, Sécrétaire Général Adjointe de l’UPADI
La population du pays est estimée à 20.386.800 habitants (2012) dont environ 51% de femmes.
Elle croît à un taux annuel moyen de 2,8% et atteindrait ainsi 26,5 millions d’habitants en 2020. Elle est urbaine pour 58,2% du total (2010) et la densité moyenne est de 42,3 habitants au km2.
Environ 66% de la population occupe 22% de la surface du pays.
La population urbaine croît à un rythme de 5,7% par an en moyenne.
La population est essentiellement jeune : deux tiers environ des habitants ont moins de 25 ans et les moins de quinze ans représentent 45% de la population contre 3,4% pour les personnes âgées de plus de soixante – cinq ans.
Une mauvaise répartition territoriale, une jeunesse et un très fort taux de croissance de la population totale et de l’urbanisation, sont autant d’enjeux socio-démographiques auxquels le pays fait face et que nombre d’analystes qualifient de « défi démographique ».
Importance du secteur rural
Le secteur rural représente environ un quart du PIB et génère la moitié des revenus des exportations non pétrolières.
Il occupe 63% de la population active et environ 70% de la population en dépend pour sa survie. Il est par ailleurs la base de la sécurité alimentaire du pays par les produits qu’il est appelé à offrir pour l’autoconsommation des 10 millions de ruraux camerounais et pour l’alimentation des populations urbaines estimées à 10 millions.
Son importance dans le maintien de l’équilibre écologique et la protection de la nature est maintenant largement reconnue.
Les atouts du secteur
Une grande diversité agro-écologique : Le pays comporte une variété de paysages, de zones géomorphologiques et climatiques regroupées en cinq entités régionales ou zones agro-écologiques distinctes.
Cette diversité se traduit par des activités anthropiques et productives variées permettant l’offre d’une gamme extrêmement variée de produits agricoles, pastoraux, halieutiques, forestiers et éco-touristiques. Le pays dispose d’un important potentiel en ressources naturelles et est considéré comme l’Afrique en miniature :
− Ressources en terres agricoles et irrigables :
- 7,2 millions d’hectares de terres arables disponibles, dont 51% seulement sont cultivées en 2010, soit 3,7 millions d’hectares
- 240 000 ha. de terres irrigables dont 33 000 ha seulement sont irrigués, soit 17% du potentiel. − Ressources animales et halieutiques : (i) 2 millions d’hectares de pâturages dont une bonne partie est sous-utilisée;
- Cheptel abondant et diversifié : bovins viande, bovins lait, caprins, ovins, porcins, volaille etc. fleuves et rivières poissonneux, potentiel assez élevé de pêche maritime.
− Ressources forestières :
- vastes gisements existants ;
- haut potentiel de transformation, de valorisation et de génération de bois.
− Ressources écologiques et environnementales :
- Biodiversité riche et variée ;
- Potentiel élevé de reboisement des zones dégradées.
− Réseau hydrographique dense et une pluviométrie généreuse quoique des incertitudes ont été relevées dans la partie septentrionale du pays au cours des dernières années (sécheresse, inondations).
Source : FAO
Phase 1 : La phase de découverte
Depuis 2015, nous avons initié deux principaux projets au Cameroun
I) Le premier est d’améliorer la chaine de production agricole.
Lors de son passage au Kongossa Web Series en 2013, Laurent Elder nous a partagé des résultats d’études réalisés par le CRDI.
Dans ses propos il ressortait que la meilleure façon de transformer positivement l’Agriculture est de réduire les coûts d’information. Il y’a peu d’informations qui circulent ou qui sont accessibles aux agriculteurs et aux exploitants.
II) Le laboratoire ou zone test
Situation géographique
Nous avons appris lors de nos formations à Montréal et à l’occasion des ateliers que nous avons organisé à Montréal qu’avant de se lancer dans un projet agricole d’envergure, il valait mieux tester ces idées dans une zone de test ou laboratoire. Ainsi en 2015 nous avons fait l’acquisition de 10.000 mètres carrés (2.47105 acres) afin de tester nos idées.
Le site test se situe A 2H de Yaoundé sur la route qui mène à Douala principale ville économique du Cameroun. Selon la carte agro-écologiques du Cameroun, il peut être localisé dans la zone forestière bi-modale (Centre-Sud-est) d’une superficie de 165 770 km2. Les agriculteurs de cette région produisent en général sur le Cacao, manioc, maïs, huile de palme et ananas.
De manière plus précise, le site dispose d’une situation géographique enviable car il est à la frontière des deux zones vertes (bas de la carte) ce qui nous lui donne le potentiel de cultiver plusieurs cultures et notamment le plantain.
L’un des objectifs d’implantation dans cette zone en particulier est de se positionner près du consommateur en respectant autant que possible la philosophie d’un système de distribution hyperlocale et de bénéficier des avantages suivants :
- Terres arables et naturelles
- A 40 minutes du champs (Au niveau du payage routier)
- De bénéficier de l’expertise des agriculteurs et éléveurs de cette région
- De rejoindre en 1h la capitale yaounde et ses +de 2 millions d’habitants
La démarche
A ce stade notre démarche était simple
- S’intégrer dans la communauté et comprendre son fonctionnement
- Expliquer notre approche et notre volonté de collaboration
- Lancer une petite exploitation en associant des cultures dont les agriculteurs du coin sont experts
Ainsi, nous avons privilégiés l’association du plantain et du Cacao car comme nous l’avons vu plus haut, la région est propice à ce type de cultures
Les premiers résultats
Les techniciens agricoles nous avait indiqué que l’on pouvait s’attendre aux premiers régimes 12 mois plus tard. Je dois reconnaitre que nous avons abordé ce projet avec l’esprit ouvert sans réelle attente. Près de 12 mois plus tard et après avoir commis de nombreuses erreurs de débutants, nous avons pu apprécier l’évolution des régimes de plantain ainsi que celle du Cacao comme le montre l’image ci-dessous. Dans les prochains mois, nous allons procéder à la première mise en marché.
Le premier régime
C’est là où tout commence. C’est la preuve que le modèle fonctionne très bien. Après 12 mois, on peut considérer que la phase découverte est terminée. Les premiers arbres ont commencé à produire les premiers régimes.
Notes Importantes
1 -La distribution des produits agricoles
Les paysans et agriculteurs parcourent souvent des milliers de kilomètres pour venir dans les grands centres urbains. La révolution agricole passe aussi par une production décentralisée où le cultivateur est proche du consommateur. C’est la solution à envisager au niveau du Cameroun en plus évidemment de construire des routes pour rallier les villages aux centres urbains.
2 – La nécessaire mécanisation ou industrialisation
La technologie a un très grand rôle à jouer ici. De nombreuses techniques ancestrales existent mais la transformation des cultures vivrières est une réelle opportunité pour les entrepreneurs agricoles. Ceci permettra évidemment de la création d’emploi mais aussi développera sûrement de nouveaux canaux de distribution et de consommation.
3 – La révision de coopération internationale
Les agriculteurs ont besoin de l’expertise internationale. Plus que jamais la coopération internationale et notamment le transfert des connaissances agricoles et la nécessaire modernisation des vergers est obligatoire pour relever les défis imposés par le boom démographique mondial attendu.
L’image ci-dessous présente un forage d’eau potable construit grâce à l’aide de la coopération internationale. C’est la principale source en eau pour cette communauté de près de 500 personnes.
Les prochaines étapes
L’habitat: Nous allons entamer cette année une nouvelle phase du projet : celle de l’habitat écologique. En effet nous avons pour ambition de transformer la manière dont les habitants construisent les maisons traditionnelles en leur apportant l’indépendance énergétique grâce au TI.
L’optimisation de la collecte d’information : Nous l’avons dit plus haut, 75% des coûts sont liés au système d’information. Nous souhaitons cette année améliorer notre connaissance du milieu naturel qui nous entoure : type d’essences de bois, pluviométrie, « santé » des sols
Le maraichage : Cette année sera aussi le début du projet de maraichage et du jardin bio
Le design global du site : une extension de notre site est envisagée ainsi que le design complet de l’exploitation comme présentée lors de notre atelier de design thinking du mois de Juin 2016 à Montréal
A suivre…
Fondateur Kongossa Technologie