La pédagogie Freinet au Cameroun : enjeux et Challenges

kongossa web series 2013

La situation du développement de l’application des techniques de la Pédagogie Freinet  au Cameroun et leur implication en contexte éducatif africain.

Les systèmes  d’éducation d’Afrique subsaharienne en général et celui du Cameroun en particulier, au moment où nous rentrons dans la mouvance de l’Afrique émergente à l’horizon 2035 continuent à s’appuyer sur des bases établies à l’aube des indépendances. Les modèles d’apprentissage conservent généralement une orientation  considérée comme traditionnelle, behavioriste accrochés aux curricula, où toute nouvelle donne est considérée comme un surplus de travail, donc : une corvée. Les pratiques quant à elles sont animées d’un magistrocentrisme qui dit mettre l’apprenant(e) au centre de son apprentissage, alors que la configuration matérielle des salles de classe demeure caduque favorisant cette orientation magistrocentriste. D’autre part, la grande diversité ethnique, culturelle, ethnique, linguistique  camerounaise se révèle comme étant un moyen d’enrichissement, s’érige dans l’environnement d’apprentissage comme étant un frein à l’amélioration de l’apprentissage pour la réussite de tous les apprenant(e)s. (A. Mengue Abesso, 2013)

L’adhésion à la fédération internationale des mouvements de l’Ecole Moderne (FIMEM) a été pour les membres de l’association des enseignant(e)s camerounais(e)s pour l’Ecole moderne (AECEMO), une invite à la réflexivité pour le changement de la vision des pratiques d’apprentissage. L’insertion des techniques de la pédagogie Freinet dans la pratique de classe s’avère être un processus ardu, exigeant un surplus d’efforts d’organisation de l’espace d’apprentissage, du temps de travail  l’enseignant(e) dans un processus coopératif. C’est pour cela que ce mouvement camerounais n’est composé que des personnes qui aimeraient changer de vision de l’apprentissage afin améliorer leurs pratiques. Ils sont un peu plus d’une cinquantaine d’enseignant(e)s, membres de l’association des enseignant(e)s camerounais(e)s pour l’Ecole moderne qui sont depuis l’année 2010 à la pratique des techniques Freinet.

Les enseignant(e)s qui ont acceptés introduire des techniques telles que le texte libre, le dessin libre, l’entretien du matin ou « Quoi de neuf ? », l’individualisation et la personnalisation des apprentissages à travers les plans de travail, la participation démocratique à travers les conseils de classe et l’organisation coopérative de la classe, la correspondance scolaire, etc. Le réel et curieux constat au sujet de l’insertion des techniques Freinet et de l’organisation coopérative de l’environnement d’apprentissage est que ces techniques entraînent une grande révolution qui accorde une possibilité de succès à tous les apprenant(e)s. Lesdites techniques favorisent aussi une possibilité d’ouverture aussi bien aux enfants qu’aux enseignant(e)s des apprentissages plus actifs permettant un esprit créatif afin de  promouvoir la formation des citoyens aux compétences et à la réflexivité.

Par ailleurs, cette orientation coopérative est un tremplin pertinent pour la socialisation et d’éducation civique grâce aux possibles échanges  permanentes dans cet environnement avec les pairs et les adultes. Pour ce faire, l’environnement d’apprentissage devient le lieu par excellence d’expression, d’appropriation et de jouissance pour l’enfant de ses droits et devoirs envers les pairs et les adultes. C’est aussi l’endroit privilégié pour le jeune enfant d’apprendre à apprendre en s’auto évaluant progressivement pour mieux apprendre à apprendre et à acquérir des connaissances et des ressources afin de leur permettre de mener une existence enrichie et satisfaisante. Cela va accorder à tous les apprenant(e)s la possibilité d’une réussite effective et à l’enseignant(e) de s’approprier une vision inclusive de l’apprentissage.

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En ce qui concerne  la participation démocratique à travers le conseil de classe coopérative, elle permet  la formation des apprenant(e)s en tant citoyens engagés, afin de leur permettre de commencer à jouir dès l’enfance de leurs droits, ce qui leur accordera de devenir des citoyens adultes et responsables.

Mais généralement, les éducateurs Freinet camerounais se heurtent à une difficulté prépondérante dans leurs pratiques à savoir, l’absence de maîtrise des technologies de l’information et de la communication. Pour ceux des enseignant(e)s du groupe Freinet qui tâtonnent déjà dans ce domaine se posent d’innombrables problèmes à savoir :

-le manque criard des outils TIC (qui s’avèrent toujours onéreux en Afrique),

-l’absence d’énergie près des établissements scolaires (énergie inconstantes ou absente),

-le manque de connectivité,

-le manque  de locaux adéquats.

Les projets qui sont été élaborés  pour être proposés aux partenaires afin de pallier à ce constat, doivent reposer sur les 14 conditions de l’ISTE à savoir :

  • la vision partagée,
  • la disponibilité des leaders responsables,
  • le plan de mise en œuvre,
  • le financement,
  • l’accès équitable,
  • le personnel qualifié,
  • la formation professionnelle,
  • le support technique,
  • le cadre curricullaire,
  • la concentration de l’apprentissage sur l’élève,
  • le contrôle et évaluation,
  • les communautés engagées,
  • la politique et le soutien,
  • le support du contexte externe.

Mais les éducateurs Freinet savent que l’un des succès de Célestin Freinet dans sa classe en son temps, a été l’introduction de la machine à écrire dans l’environnement d’apprentissage. Aujourd’hui, il s’agit normalement de l’insertion du micro ordinateur dans l’apprentissage qui s’avère être un impératif issu de la mondialisation, faisant du monde un village planétaire, mais aussi une condition sine qua non qui accordera à l’Afrique une ouverture certaine à l’émergence. Le micro ordinateur s’avère être l’outil adéquat permettant l’amélioration de l’apprentissage et la réussite des apprenant(e)s pour une éducation inclusive, mais aussi la possibilité de disposer des connaissances, et diverses ressources afin de répondre aux besoins des apprenant(e)s et même curricullaires. Les éducateurs Freinet des pays de l’Occident ont pris de l’avance dans cette optique. A cet effet, les problèmes d’outils TIC, d’énergie et de connectivité et de formation demeurent  prioritaires en Afrique.

Pour ce faire, les éducateurs Freinet camerounais pensent qu’il ne s’agit pas seulement d’avoir une vision réflexive ou bien d’insérer des pratiques de la pédagogie Freinet dans l’enseignement/apprentissage. Il est plus important actuellement d’avoir des possibilités réelles d’accompagnement permettant d’actualiser et de s’arrimer aux nouvelles donnes de l’heure. Le vœu pieux des membres de l’AECEMO est de voir leurs projets se réaliser pour une « condition naissante des ressources et des outils en réseau à l’apprentissage et à l’enseignement dans les classes de primaire et du secondaire » Ces éducateurs pensent aussi que les pratiques novatrices doivent être reliées aux curricula afin d’éviter toute navigation à vue. (Laferrière, Bracewell et Breuleux, 2001). Les enseignant(e)s doivent à cet effet s’organiser en communauté de pratique ; ce qui permettrait la coopération et la coélaboration de connaissances afin de permettre aux enseignant(e)s d’avancer dans l’insertion des TIC dans l’apprentissage avec leurs apprenant(e)s dans l’expérimentation de cette nouvelle donne.

Les membres de l’AECEMO pensent avec pertinence que l’Afrique peut évoluer si dans les pays, les actions menées pas de petits groupes comme l’AECEMO, soient pris en compte de la hiérarchie des ministères en charge de l’éducation. Cela permettrait d’éviter l’immobilisme dans lequel nos systèmes d’éducation se noient à cause du manque de motivation, mais aussi de vision. Toutefois, il serait toujours important de démontrer aux enseignant(e)s la nécessiter de changer de vision de l’apprentissage, mais aussi de s’arrimer au monde pour accorder aux enfants dont ils ont la charge la possibilité de jouir de leurs droits, compte tenu du fait que leurs devoirs leurs sont rappelés aux quotidien, tout en faisant fi de les informer de leur droits.

Au terme de cette réflexion et compte tenu de l’absence d’insertion des stratégies pour une éducation inclusive dans la formation des formateurs dans le secteur de l’éducation, de l’absence de vision réflexive chez les enseignant(e)s accordant du changement (progressif, profond, situé, distribué), du manque de structures d’accueil adéquates, de l’absence de matériel et d’outils TIC, de la vétusté du mobilier  permettant la coopération, la collaboration, la coélaboration dans l’apprentissage, les membres de l’association des enseignant(e)s camerounais(e)s pour l’Ecole moderne, s’engagent résolument aux pratiques réflexives pour la formation d’une communauté de coopération, de collaboration et de coélaboration de connaissances afin de faire accroître l’intérêt et la motivation dans la construction de contenus curricullaires impliquant les apprenant(e)s,  qui feront de l’Afrique un continent émergent et du Cameroun, un pays prospère.

Antoinette Mengue Abesso

Présidente de l’association des

enseignant(e)s camerounais(e)s

Pour l’Ecole moderne (AECEMO)

Références bibliographiques :

ISTE (2009), les 14 conditions de l’ISTE.

Laferrière,T. ,Bracewell, R. Breuleux, A. (2001), La condition naissante des ressources et des outils en réseau d’apprentissage dans les classes du primaire et du secondaire. Télé Learning Network, Inc.

Laferrière,T. (2000), Apprendre à organiser et à gérer la classe, communauté d’apprentissage assistée par l’ordinateur multimédia.Revue des sciences de l’éducation ; 25(3) 571-592.

Mengue Abesso, A. (2013), Optimisation de la réussite scolaire des apprenant(e)s dans le contexte d’éducation inclusive : une étude centrée sur les apprentissages coopératifs. (Non publié).

UNESCO (2010), Un référentiel de compétences pour les enseignant(e)s.